Mais d'où vient sainte Quitterie ?

 

La chronique qui suit retrace une des versions de la légende de sainte Quitterie, patronne de notre village. Légende que nous avons découverte au cours d'un voyage collectif, organisé pour les habitants de Marestaing désireux de connaître le lieu de son supplice et origine sans doute de son culte en Gascogne.

 

Elle naquit à Braga, au Portugal. Son père, Caius Catilius, était gouverneur de la Galice, au Nord de l'Espagne, et du Portugal. Sa mère, Calsia, était d'une remarquable famille de Rome.

Catilius était un de ces vaillants soldats des Légions Romaines, aux mœurs guerrières, au caractère dur et impitoyable.

Désireux de posséder un fils pour perpétuer son nom, il avait été déjà cruellement déçu par la naissance de sept filles.[1] Aussi lorsqu'il vit naître encore deux soeurs jumelles, Quitterie et Gemme,[2] la fureur de ce père païen ne connut plus de bornes et il commanda à l'une de ses esclaves d'emporter les deux enfants et de les noyer sans retard. Cette esclave, imprégnée des principes chrétiens, propagés par Saint-Jacques et ses disciples en Espagne, courut en un bourg éloigné, où elle connaissait une famille de chrétiens et elle leur confia les deux sœurs.

Les parents d'adoption firent baptiser Quitterie et Gemme et les élevèrent dans la foi catholique.

Quitterie, mieux douée que sa sœur devint un modèle de vertu pour ceux qui l'entouraient et dès l'âge de 13 ans, elle fit le vœu de virginité. Mais de Braga à Aire-sur-Adour... les voies de Dieu sont imprévisibles !

Partis de Marestaing sous une pluie battante, nous avons découvert au passage : Bassoues et son donjon, la Tour de Termes d'Armagnac et une très belle exposition d'artisanat. Il y eût, comme toujours, quelques évènements piquants destinés à mieux graver dans nos mémoires le souvenir de ce voyage.

Et nous arrivons donc, légèrement en retard sur l'horaire prévu pour cette visite guidée par une dame aussi charmante que savante et amoureuse de cette Église, de ce quartier.

Sainte Quitterie du Mas d'Aire-sur-l'Adour n'a plus de secret pour elle.

Et nous devions apprendre la suite de l'histoire de sa vie :

Son père Cattilius apprit un jour que ses deux filles étaient en vie. Il appelle l'esclave, chargée de les noyer et apprend qu'elles ont beaucoup de qualités et surtout Quitterie, qui est belle et vertueuse. Adouci par le remords, Cattilius, envoie chercher ses filles et les introduit au palais. Quitterie rencontre alors ses parents, ses autres sœurs parmi lesquelles Dode et Livrade. Elle instruit, avec l'aide de Gemme, ses sœurs dans sa foi, dans sa religion et par son exemple, elle a la joie d'en faire de vraies chrétiennes.

Cattilius, furieux, veut ramener ses filles au paganisme, mais rien ne peut ébranler Quitterie. Elle soutient ses sœurs.  Son père décide de la marier à Germain, l'un des riches seigneurs de la contrée. Il fixe la date du mariage et prévient sa fille. Elle explique qu'elle veut rester fidèle au Christ. Rien ne devait résister aux volontés de Cattilius !

Quitterie prie pour trouver une solution : elle suit les conseils de son bon ange gardien et quitte sans retard la maison paternelle. Elle s'enfuit au-delà des Pyrénées, en Gascogne dans la vallée d'Aufragie. Son zèle pour la foi catholique fut bientôt connu dans le pays. Le Roi de cette province, irrité de la propagation de la religion chrétienne la fit jeter en prison. Elle fut torturée... Mais ce Lentimanus, roi de province cherchait en vain un trésor. Il fit consulter sa prisonnière et sur les indications précises données par la Sainte, le trésor fut découvert sans peine.

 

Aussi il remit Quitterie en liberté, la rencontra et voyant qu'elle tenait du Christ sa puissance, il se convertit... Et la Foi se propagea dans toute la contrée. Quitterie choisit alors de vivre une nouvelle solitude à l'endroit où se formera plus tard le Mas dit Sainte Quitterie, bourg voisin de la ville d'Aire (Landes).

De toute la contrée on lui amenait des malades, des fous, des victimes de la rage. Elle les guérit par ses prières et ce fut l'origine de la dévotion spéciale qui attire encore de nos jours, ces malheureux, auprès de son tombeau et dans les quelques églises élevées en son honneur.

Ainsi donc, nous humbles habitants de Marestaing, nous y sommes près de ce tombeau...

A la lueur de nos lampes de poche, nous découvrons : ce magnifique sarcophage, ce sinistre cachot où l'on enchaînait les fous - les chaînes sont encore là bien visibles - et l'autel où l'on priait notre Sainte Patronne. Ainsi donc, c'est ici que s'est manifestée cette sainteté chez une jeune fille issue de riches gouverneurs romains.

Finalement elle était heureuse ici ! Après une enfance très perturbée, elle aurait dû être noyée ! Après avoir été torturée, la voici vivant selon sa foi, priant le Seigneur dans la simplicité.

Tandis qu'elle vivait en paix, son père la recherchait toujours et Germain aussi, celui qu'elle aurait dû épouser. Il fallait laver l'insulte, venger l'affront, On la découvre enfin. Les émissaires doivent la ramener dans sa famille ou la mettre à mort. Mais devant son refus et malgré la protection de tous ceux qui l'entourent, Quitterie doit obéir ou mourir. Elle épousera Germain, et abandonnera ce Christ et sa Foi, ou elle périra. Elle préfère sa foi.

L'épée tranche... la tête tombe... le sang se répand… Aussitôt, le corps de la Sainte se relève, ses mains saisissent sa tête, elle s'avance jusqu'au lieu choisi pour la sépulture. C'était au début du IIIe siècle. A partir de ce jour, les miracles les plus frappants se produisent. Les guérisons, les conversions extraordinaires se multiplient. Catilius et Germain eux-mêmes regrettent et se convertissent.

Curieux homme, ce Catilius qui veut faire noyer sa fille dès sa naissance, le regrette et la ramène chez lui treize ans après.

Et aujourd'hui, ne pouvant la ramener, il la fait assassiner ! Mœurs sinistres des hommes sans foi !

Notre pèlerinage se termine... mais avant de rentrer à Marestaing il faut bien se restaurer et au pied du Mas de Sainte Quitterie, sur les bords de l'Adour, à l'ombre des platanes, nous voici installés avec nos paniers à provisions.

Le repas touche à sa fin... Voici une averse qui nous oblige à chercher un abri... et c'est l'occasion pour les plus jeunes de se regrouper et de chanter un peu pour la plus grande joie de tous... Nous rentrons par Vic-Fezensac... Voilà une journée bien remplie... Il ne reste plus qu'à recommencer !

 

Extrait de Gascogne-Actualités - 1987.


 

[1] Parmi lesquelles Sainte-Dode, connue dans la région de L'Isle-en-Dodon et Sainte-Livrade.

[2] Sainte-Gemme aussi est bien vénérée dans notre Gascogne.